DAUDET (Alphonse) . La Belle Nivernaise .
350,00 €Prix
Histoire d'un vieux bateau et de son équipage. Paris, C. Marpon et E. Flammarion, [1886], gr. in-8 (28 x 19 cm), percaline rouge, bords biseautés. Au premier plat, polychrome, Victor et Clara sur le pont de la "Belle Nivernaise" (ill. p. 73), un drapeau français à la poupe. Au second plat, vignette centrale noire dans un encadrement de motifs décoratifs, au dos, petits fers dorés en caisson, tr. dorées (Paul Souze, graveur, Ch. Magnier, relieur), (10)-226-(6)-16 pp. de catalogue éditeur ¦Édition originale illustrée de 21 phototypies hors-texte et de dessins in-texte par Louis Antoine Montégut (1855-1906), cousin d'Alphonse Daudet, qui a notamment illustré ses oeuvres complètes et Jean le Conquérant d'Edgar Monteil (Marpon et Flammarion, 1888, PH 12/240). Recueil de contes : La Belle-Nivernaise, Jarjaille chez le Bon Dieu, La Figue et le paresseux, Premier habit, Les Trois messes basses, le Nouveau maître. Comme l'a montré Xavier de Planhol dans son livre Initiation aux plats historiés (2014, pp. 26-27, IN 14 et IN 15 ), cet ouvrage constitue un cas de "doublon". A une première édition à plat historié rouge, noir et or en 1885, succède une nouvelle édition à plat historié polychrome en 1886, soulignant l'évolution esthétique et technique de la fabrication de ces cartonnages, à une année d'intervalle. Il est significatif que Paul Souze, succède en 1886 à son oncle Auguste Souze, auteur du premier plat historié. Paul Souze portera fréquemment l'innovation technique de la polychromie dans l'atelier Souze, surtout dans les a nnées 1890. Alphonse Daudet (1840-1897) est célèbre lorsqu'il publie ce livre pour la jeunesse. Il vient de publier Les Cigognes, illustré par Gustave Jundt (Tolmer, 1883, PH 8/151 et 152), Sapho (1884) puis Tartarin sur les Alpes (1885). Il travail le à L'Immortel qu'il délaisse et qui sera publié en 1888. La Belle Nivernaise, dédié à son fils Lucien (comme Les Cigognes) est l'"évocation des voyages, sur la Seine et les canaux, d'une péniche et de son équipage, qui transportent du bois de la Nièvre à Paris." (Hamon et Viboud (éd.), Dictionnaire thématique du roman de moeurs, 2003). Ce livre a été traduit en anglais plusieurs fois, servant aussi de livre d'exercice pour apprendre le français. Il a été adapté au théâtre en 1914, puis au cinéma en 1923 par Jean Epstein. "Partisan d'un cinéma poétique exigeant", dit René Prédal, "Jean Epstein donne une dizaine d'adaptations qui demeurent des modèles du genre" ; dans ce film, la Seine y est "prise comme ligne esthétique du mouvement cinématographique" (Cinéma sous influence, 2007). Dans L'Adaptation littéraire au cinéma (2011), Francis Vanoye offre une longue analyse à la fois du livre de Daudet et de son adaptation au cinéma (chapitre "Epstein rêve avec Daudet : La Belle Nivernaise (1923)") : "Alphonse Daudet a été relativement bien adapté par le cinéma muet en France : une douzaine de films dont deux Arlésienne en 1908 (Albert Capellani) et 1922 (André Antoine), un Nabab en 1913 (Capellani), deux Petit Chose en 1912 (production Pathé) et 1923 (André Hugon), une Sapho en 1912 (Émile Chautard), un Tartarin de Tarascon en 1908 (Méliès). (...) Capellani, Antoine et Epstein, outre leur culture, ont un autre point commun : ce sont des cinéastes du plein air, du décor naturel. Ils aiment sortir des studios, exploiter des sites authentiques, ruraux ou urbains, bucoliques ou industriels, à des fins réalistes ou poétiques (...) Ils ont pu trouver aliment chez Daudet, dans son attention au réel géographique, son goût des lieux, sa manière de conter des gestes et des comportements précisément contextualisés. A première vue, La Belle Nivernaise frappe par ses ressemblances avec un film d'Antoine, L'Hirondelle et la mésange, tourné en 1920, jamais diffusé jusqu'à ce que Henri Colpi opère, en 1982, un montage des négatifs. Même milieu décrit (les bateliers), même recours à un lieu pittoresque et dramatique (une péniche), même type de paysages (rivières, canaux, écluses), éléments scénaristiques communs (un "méchant" menace la vie paisible des occupants d'une péniche). Mais l'on sait que le mouvement des péniches a longtemps inspiré les cinéastes, de Jean Vigo (L'Atalante) à Léos Carax (Les Amants du Pont Neuf)." Vanoye résume ainsi le récit de Daudet : "Un gamin abandonné (Victor) est recueilli par le propriétaire d'une péniche (Louveau), La Belle Nivernaise. Victor grandit aux côtés de Clara, la fille des Louveau, et de l'"équipage", homme à tout faire du bateau. Les jeunes gens s'éprennent l'un de l'autre. Mais Maugendre, fournisseur de b ois, homme riche, conte à Louveau sa solitude et les circonstances qui lui ont fait jadis perdre un fils. Louveau comprend que Victor est le fils de Maugendre et décide de le lui rendre. Victor doit alors aller au collège mais ne supporte pas d'être séparé de ceux qu'il aime et tombe gravement malade. Maugendre décide de rendre Victor à la rivière et offre aux jeunes gens un bateau neuf." Vanoye explique ensuite comment "le film amplifie la charge dramatique du récit, somme toute assez faible, par des modifications de contenu et de structure". Epstein, dit-il, "a trouvé chez Daudet un fonds mélodramatique qu'il se plaît à exploiter selon le goût de l'époque et ses tendances propres (...) de même qu'il se saisit d'allusions furtives du texte aux hallucinatio ns de Victor malade croyant voir La Belle Nivernaise pour construire des scènes visuelles aux limites du fantastique." "Mais, transposant l'anecdote dans l'univers des mariniers des années vingt, Epstein reprend les éléments documentaires et spectaculaires présents dans le texte de Daudet pour les exprimer visuellement et faire de certaines scènes de véritables poèmes glorifiant la Seine et ses berges." Avec ce film, Epstein révèle "sa fascination pour tous les glissements du réel vers le fantasme, l'emprise qu'exercent sur lui et sur ses personnages toutes formes de rêveries, toute possibilité d'évasion vers l'ailleurs, alors même que le poids du réel est si lourd à porter". Le livre le plus récent sur Daudet est celui de Stéphane Giocanti, C'était les Daudet (Flammarion, 2013). Bel exemplaire.
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