FLAMMARION (Camille) . La Fin du monde .
450,00 €Prix
Paris, Ernest Flammarion, éditeur, 1894, in-8 (23,5 x 16,5 cm), demi-chagrin marron à coins, plats de percaline bleue, bords biseautés. Au premier plat noir et or, un ange portant une trompette, assis sur une nuée, entouré d'objets célestes (Soleil radieux, comète, Saturne et autres planètes), survolant le globe terrestre sombre (frontispice par Jean-Paul Laurens et p. 161, "L'ange du jugement attend l'ordre de Dieu"). Second plat muet, pièces de titre et d'éditeur au dos, tête dorée, non rogné, (8)-385-(3) pp. ¦Édition originale illustrée de 2 cartes et 117 dessins par H. Amédée, A. Bach, Marin Baldo (p. 195), É. Bayard (p. 279), Chovin, O. Guillonnet (p. 355, 358), Eugène Grasset (p. 41), Jean-Paul Laurens, Paul Merwart, Myrbach, Albert Robida (p. 249, 264), Rochegrosse (p. 211, 281), Rudaux (p. 325), Oct. Saunier, Carlos Schwabe (p. 361), H. Vogel, gravure par Méaulle, ainsi que (non signalés en page de titre) P. Fouché, C. Julien, F. Lix, M. Lecoultre (p. 221, 278), Henri Meyer (p. 115, 171), Jacques Wagrez. Première publication dans la Revue illustrée, 1893. Le thème de la fin du monde, ou fin collective de l'histoire et de l'humanité, est ancien, il appartient au fonds commun des mythologies et des religions, mais il acquiert un contenu plus scientifique au XIXe siècle. Il devient un sujet de roman et de vulgarisation scientifique. C'est à la croisée des genres que se situe ce livre de l'astronome Camille Flammarion, dont nous avons déjà présenté trois volumes à plat historié (Astronomie populaire, 1881, PH 2/36 ; H istoire du ciel, 1872, PH 6/113 ; L'Atmosphère, 1888, PH 11/219). "Au XIXe siècle, époque de grands progrès techniques et de l'optimisme scientiste, rares étaient les oeuvres littéraires qui annonçaient ou décrivaient les dangers de l'extinction de l'espèce humaine. Quand on rencontrait ce thème, c'était le plus souvent à propos de cataclysmes naturels : collisions planétaires ou cométaires manquées, déluges ou assèchements soudains des océans, empoisonnement passager de l'atmosphère, altération des conditions habituelles de vie sur terre, disparition d'une loi de la nature." (Stanislaw Fiszer, "Peur de l'autodestruction et désir de renaissance dans quelques romans de science-fiction du XXe siècle", dans Les Grandes peurs, vol. 1, Travaux de littérature n°16, 2003). L'auteur cite quelques exemples : La Fin du monde de Rey-Dussueil (1830), Le Dernier homme de Félicien Champsaur (1886), L'Éternel Adam de Jules Verne, La Mort de la terre de Rosny aîné (1910) et le livre de Flammarion. L'éventualité de la fin du monde est, dès lors, comprise "comme la conséquence de cataclysmes indépendants de la volonté humaine (...). Les romans de la fin du monde au XIXe siècle, dont le plus frappant est La Fin du monde de Flammarion (1893), s'insèrent dans un processus de désacralisation de la fin du monde, à savoir que celle-ci ne fait plus l'objet de la volonté divine mais est la conséquence naturelle de l'évolution du monde. On rencontre ici la thèse sous-jacente d'une cosmologie qui soutient, en s'appuyant sur la seconde loi de la thermodynamique et sur celle de l'entropie, que l'énergie utilisée ne peut plus être récupérée, que l'univers s'achemine vers une mort thermique, vers un état où tout mouvement sera impossible. Cette fin de l'univers a été dédramatisée du fait que son actualité était prévue pour un avenir très lointain, dont la date variait selon les théories" (Bernard N. Schumacher, Une philosophie de l'espérance, la pensée de Josef Pieper, 2000). Un des premiers auteurs à traiter le thème est Jean-Baptiste Cousin de Grainville (1746-1805), avec Le Dernier homme (1805), livre qui fut célèbre au XIXe siècle, réédité et adapté plusieurs fois, et qui fut l'une des sources d'inspiration de Flammarion qui lui emprunte ses personnages d'Omégar et d' Éva (Paul K. Alton, Origins of Futuristic Fiction, 2010). C'est ce que constate également Danielle Chaperon : "cette épopée en dix chants, retraçant "la phase finale de l'histoire du genre humain", fut rédigée vers 1800 en réaction au texte de Volney [L es Ruines]. Le narrateur assiste à la fin de l'humanité grâce à un Génie céleste qui le met en communication avec les deux derniers représentants de l'espèce, Omegar et Syderie. Flammarion proposera sa version du texte de Grainville ; il s'agit de La Fin du monde où deux amants s'éteignent, et avec eux les derniers habitants de la Terre. Son héros masculin porte le même nom que le dernier homme de Grainville. L'agonie n'est pas gaie, mais à la fin du roman les héros se réincarnent sur Jupiter, planète qui a entièrement pris en charge l'héritage terrien" (D. Chaperon, Camille Flammarion, entre astronomie et littérature, 1998). Pour Lucian Boia (La Fin du monde, une histoire sans fin, 1989), ce "livre exemplaire" "résume les grandes espérances (les ill usions ?) du XIXe siècle". "Dans La Fin du monde, encyclopédie, roman et philosophie de l'histoire, cet astronome et vulgarisateur scientifique de grande renommée disait tout ce qu'on pouvait dire à l'époque, d'un point de vue optimiste, sur l'avenir de l'humanité. Flammarion commençait par dénoncer les superstitions et les peurs. Il banalisait l'accident de parcours. Accident possible, mais non essentiel, aux conséquences obligatoirement limitées. Les mondes meurent de vieillesse et non par accident : c'était la clef de voûte de sa démonstration. Des accidents ? Depuis la rencontre avec une comète jusqu'à une épidémie provoquée par des microbes inconnus (le Sida avant la lettre), on pouvait imaginer n'importe quoi. Les savants et les écrivains ne se faisaient pas prier pour s'amuser à imaginer toutes sortes de théories sadiques. Flammarion proposait une expérience. Soit une comète : non pas un "rien visible", mais une comète sérieuse cette fois, à tête dure, frappant de plein fouet la surface du globe. L'un des accidents les plus brutaux que l'on puisse imaginer. Le décor : la Terre au XXVe siècle. Le spectacle (effrayant sans aucun doute) : une pluie de bolides, une pluie de feu, une chaleur insupportable, un excès d'oxyde de carbone, tout cela s'abat sur l'Europe. Conséquences : dans un Paris de neuf millions d'habitants, 100 000 périssent au cours de la nuit fatale. Dans toute l'Europe, un quarantième de la population disparaît. Mais bien loin de la fin du monde. Bien loin même d'un cataclysme susceptible de freiner le progrès, d'arrêter l'évolution normale de l'homme et de sa civilisation. Les mondes, donc, ne meurent pas par accident." Non, Flammarion place sa fin du monde "réelle" et scientifique dans dix millions d'années. Entre temps, il dresse une histoire de l'avenir, des progrès et des évolutions humaines, empruntant aux théories scientifiques en cours et à l'imagination des romanciers, comme Albert Robida, dont il utilise le fameux "téléphonoscope" (précurseur de la télévision), ce dont il se vantera par la suite, dans son livre La Mort et son mystère ou Après la mort (1922). Versins, Encyclopédie de l'utopie et de la science fiction (1972, articles Fins du monde, Flammarion, Grainville).
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