LATOUCHE (Augusta). La Petite princesse noire.
350,00 €Prix
Paris, Delagrave, 1932, 2e éd., in-8 (28 x 18 cm), percaline grise. Au premier plat, noir et or, O'Dahlia, debout sur une pirogue, se défendant avec sa pagaie contre des caïmans, des serpents, des singes (p. 57), encadrement rayonnant, en bas, deux licornes stylisées. Second plat muet, titre doré au dos, tête dorée, (4)-121-(3) pp. ¦Édition illustrée de 23 dessins par Ségaldus, dont 6 à pleine page.Première publication en 15 épisodes dans la revue Saint-Nicolas, 1908. Première édition en volume en 1914.Cest le cinquième et dernier ouvrage dAugusta Latouche (mais deuxième dans lordre de parution en feuilleton), après La Roulotte (1905, ill. Dutriac), LEnfant de la falaise (1909, ill. Raymond de La Nézière, PH 34/645), LEnfant de la mine (1910, ill. Paul Kauffmann, PH 04/072), Jessie, la petite maîtresse de maison (1913, ill. Léonce Burret, PH 39/717), pour lesquels elle a reçu trois fois le prix Montyon de lAcadémie française, tous illustrés par des artistes différents. Ségaldus est moins connu mais non moins talentueux. En fait cet artiste nest connu que pour ce seul livre.Ce roman est basé sur une donnée assez originale. Comme dans les autres romans de lauteur, lhéroïne principale est une jeune fille, ici une petite Africaine, que ce récit entraînant ne ridiculise à aucun moment, toutes les héroïnes dAugusta Latouche étant campées de façon positive.Le décor africain nest pas totalement original, mais il est approché de façon renouvelée et assez différente de la fiction coloniale habituelle.Après avoir sauvé et protégé la petite ODahlia, une esclave qui était martyrisée par un groupe de Noirs, le jeune Jacques Fabre, fils dun colon blanc et ancien compagnon de Brazza, établi près de Brazzaville, prend son éducation en main, car il a remarqué son intelligence, mais aussi son caractère obstiné et intrépide. Cest elle qui, par sa volonté, ses initiatives, porte le récit. Son protégé étant tombé malade, en labsence de son père, après avoir attrapé une fièvre du pays, elle entreprend un périple pour aller chercher un remède auprès dune guérisseuse, féticheuse, bravant tous les dangers (peuplade hostile de Pahouins, animaux sauvages, humeur de la sorcière exigeant delle tout ce quelle possède), mais doit obtenir une griffe de panthère, seul talisman capable de guérir le mal. Justement, le redoutable chef-roi de la tribu, DaSangui, en possède une qui est son bien le plus précieux et la source de sa puissance. Quà cela ne tienne, ODahlia la lui dérobe une nuit alors quil est complètement ivre. Ce talisman semble faire du bien à Jacques, mais ce ne sont que superstitions africaines, dira son père à son retour. Ce dernier est parti pour tenter de concilier deux tribus ennemies, celle de DaSangui et celle des Batébélés, à deux doigts dentrer en guerre. Le lendemain, à son réveil, DaSangui saperçoit du vol et, à la suite de palabres avec son conseil, emprisonne un indigène soupçonné den être lauteur, également un ennemi de ODahlia. Héroïquement, celle-ci le libère et se dénonce pour éviter une injustice, mais avant dêtre jugée, elle est enlevée par le chef ennemi, Goumiti, dont elle parvient à circonvenir le fils, GaDoux, censé la torturer. Elle lui tient tête par sa fierté, son courage et ses discours, par son admiration devant les Blancs. Elle révèle quelle na aucune valeur comme otage, étant la dernière des esclaves dans sa tribu, mais elle démontre aussi sa vaillance et sa sagesse acquise auprès de ses protecteurs. GaDoux tombe amoureux. ODahlia deviendra sa princesse en lépousant, ce qui scellera la réconciliation entre les deux tribus, sous lœil protecteur de la famille Fabre.Cest un récit charmant, nullement raciste, sur fond de superstition et de magie africaines. Le récit évoque des tribus réelles, les MPongwées (aujourdhui Mpongwe) et les Pahouins, mais les Batébélés semblent imaginaires. Une des morales de lhistoire est que le colonisateur se place au-dessus des démêlés des Africains. Elle ne va pas jusquà prôner le mariage interracial mais nous dit que le colonisateur est là pour aider les Africains à sassumer et à dépasser leurs divergences. Une esclave devenue princesse, tel est le récit universel proposé, un conte de fées sans fées, avec comme catalyseur des qualités humaines, lestime, lentraide, le dialogue. La petite Africaine trouvera le bonheur en Afrique même, par ses qualités et sa persévérance, son humilité aussi, en épousant celui quelle aura su convaincre. LAfrique peut être une terre heureuse, si ces qualités sont promues et maintenues.Le roman dAugusta Latouche annonce ceux de Jules Chancel, qui peu avant la guerre de 1914, écrira son premier récit de lémigration, Le Prince Mokoko (1912, PH 23-435), racontant la confrontation de lAfricain avec les Blancs sur le sol français et non plus en Afrique. Dans les deux cas, léditeur Delagrave fait figure de pionnier en présentant des romans dont les Africains ne sont pas infériorisés mais dépeints avec considération par les auteurs. Le caractère pédagogique de ces romans est indéniable. Il y a, dès le début du XXe siècle, une nette prise en compte de ces questions dans la fiction pour enfants, qui peut surprendre aujourdhui. En effet, ce type de roman nest pas envisagé par Jean-Marie Seillan dans Aux sources du roman colonial (2006), ce qui pose question. Serait-ce que, contrairement à ce que lon pourrait penser, tous les romans pour enfants ne sont pas réactionnaires ? Certains seraient-ils le véhicule dune image progressiste ? Les choses ne semblent pas aussi simples ni aussi manichéennes que prévu. Lesprit colonial nest pas dénué, évidemment, dintentions progressistes, surtout celui prôné par la France qui, contrairement au colonialisme anglais, na pas pour vocation dexploiter les pays colonisés mais tente de les développer, en harmonie avec leur génie propre.Bel exemplaire.
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