ROBIDA (Albert). La Vieille France. Normandie.
500,00 €Prix
Paris, Librairie illustrée, [1890], in-4 (32 x 24 cm), percaline gris perle. Au premier plat, noir et or, le Mont-Saint-Michel encadré, sur le côté, le chevalet de l'artiste et son matériel posés dans un décor de porche gothique envahi par la végétation. Au second plat, silhouette de la ville de Rouen et sa cathédrale sur fond de soleil irradiant, vue de la Seine, au dos, composition de flèches, de clochers et de beffrois empruntés à divers monuments, tr. dorées (A. Souze, graveur), (8)-331-(1) pp. ¦Édition originale illustrée de 40 lithographies hors-texte et 206 dessins d'Albert Robida.Premier volume de la série La Vieille France, avant La Bretagne (1891), La Touraine (1892) et La Provence (1893), complétés par Paris de siècle en siècle (1895) et Le Cœur de Paris (1896).Pour cet ensemble de livres monumentaux, Albert Robida se lance sur les routes de France, en artiste-voyageur, après avoir réalisé sa trilogie sur Les Vieilles villes d'Italie, de Suisse et d'Espagne (1878-1880). Pour Léon Barracand, Robida est l'un des quatre « dessinateurs-écrivains », avec Rodolphe Töpffer, Gustave Fraipont et Gaston Vuillier (selon une série d'articles qu'il leur consacre dans la Revue bleue, 1896). À cette époque, l'artiste est volontiers un voyageur, qu'il accompagne un auteur, ou qu'il soit auteur lui-même, et lorsqu'il a le projet de décrire des régions géographiques, il a la nécessité de faire le déplacement pour dessiner de visu paysages et monuments. Or les publications géographiques se multiplient dans le dernier tiers du XIXe siècle, notamment chez Hachette, dans le sillage de la revue Le Tour du monde, de la Nouvelle Géographie universelle d'Élisée Reclus, et des multiples séries sur les fleuves, les côtes de France (Vattier d'Ambroyse) les bords de la Méditerranée, etc.« Robida constitue un bloc », dit John Grand-Carteret, dans une étude magistrale (parue dans Le Livre et l'image, vol. 1, 1893). « Chez lui, l'artiste et l'écrivain se tiennent étroitement ; d'une main il tient la plume, tandis que, de l'autre, il se sert de ce crayon lithographique qui vient donner une forme si particulièrement intéressante à ses nouvelles productions. (...) Les volumes de la Librairie illustrée dans lesquels Robida épand doublement sa verve et se montre sous ses deux aspects d'archéologue passionné et de fantaisiste à tous crins, tiennent donc, dès à présent, une place spéciale dans la littérature moderne. Bondés d'illustrations et de renseignements, conçus à la fois graphiquement et littérairement, ce qui est énorme pour l'unité de la pensée, ils nous font bien pénétrer dans l'esprit de la vieille France. D'aucuns accusent notre écrivain-voyageur d'avoir été souvent plus fantaisiste que fidèle observateur, d'avoir vu en passionné des architectures anciennes et des délicates dentelures de pierre ; d'aucuns l'accusent d'avoir accumulé à plaisir crochets et fleurons, pinacles et gargouilles, pignons et tourelles, tant cette résurrection d'un passé qu'on croyait à jamais disparu, tant cette restitution de coins de ville moyenâgeux surprend les habitants de nos grandes cités nivelées, égalisées. À vrai dire, ce reproche n'est point juste, quoiqu'il repose sur un semblant de réalité. En effet, Robida n'a point vu en architecte et en photographe, ni en savant ni en machine-objectif. Devant les vieilles cathédrales, devant les portails dentelés, devant les bas-reliefs, devant les vitraux, devant les hauts et fiers donjons, devant les maisons basses bossuées et ventrues des cités normandes ou bretonnes, il a vu en artiste, en admirateur, mettant en ses croquis, en ses silhouettes, ce quelque chose que bien peu possèdent aujourd'hui encore, l'âme du passé, la compréhension de la vie et des choses disparues. Si bien que sa Vieille France se trouve être à la fois une restitution et une évocation. Au lieu d'être mortes comme elles le sont effectivement, ses tours à mâchicoulis et à créneaux dentelés semblent vivantes ; voilà ce qui donne à son pittoresque l'aspect romantique qu'il a souvent perdu, dans la réalité, au milieu du froid décor de la vie moderne. Voilà ce qu'il ne faut point perdre de vue lorsqu'on parcourt les pages toutes vibrantes d'enthousiasme de cette collection, suite naturelle des grandes « chevauchées pédestres » des artistes de 1830, de ces Voyages en France de Charles Nodier et du baron Taylor, malheureusement inachevés. Bref, cela n'a aucun rapport ni avec les monuments ni avec les sites, cependant amoureusement croqués par Viollet-le-Duc, ni avec les dessins au trait sec de Busnel pris pour la Bretagne de Monnier, alors que cet éditeur rêvait toute une France artistique, ni avec les vignettes de Chapon pour l'intéressante collection des Fleuves de France, due à l'éditeur Laurens, et encore moins, naturellement, avec les vues, au fond toujours plus ou moins photographiques, des albums de Constant de Tours. Et ce qui est particulièrement intéressant, c'est que la lithographie semble convenir d'une manière toute spéciale au crayon et à la fantaisie moyenâgeuse de l'artiste. Enfin, dernière observation, que l'on compare la Normandie de Robida avec les Châteaux de France publiés il y a quelques année chez Lecène et Oudin, ou bien encore avec la Normandie monumentale et pittoresque qui paraît, en ce moment même, en fascicules, chez un éditeur havrais, Lemale, et l'on aura l'impression très nette, très exacte, très précise, de ce qui distingue plus particulièrement le talent de Robida. (...). Sur la France il nous donnera sa note personnelle et surtout antiphotographique, comme l'a fait récemment, pour Lyon et ses environs, un dessinateur également consciencieux, également enthousiaste, M. Johannès Drevet (...). Robida et Drevet se suivent quelquefois de si près dans la recherche du crayon gras, de la couleur, de la compréhension des choses anciennes que leurs dessins arrivent à se confondre. On peut dire que toute une école se crée pour lutter contre la sécheresse de l'objectif, et voilà pourquoi la lithographie se trouvera appelée à un grand avenir dans l'illustration du livre. »Cet ouvrage devenu classique a été réédité en fac-similé plusieurs fois (Slatkine, 1982, Tallandier, 1985, Inter-Livres, 1992, Éd. de La Tour Gile, 1999). Évidemment, aucune de ces rééditions ne vaut l'excellence de l'originale, que ce soit dans la reliure en percaline ou dans la reproduction des dessins et des lithographies.Existe aussi en cartonnage rouge ou ivoire. Brun, I.145, p. 122. Exemplaire parfait.
SKU : 9501234